Le modèle SPEAKING de Hymes
Est-ce qu’on change son discours en fonction de la personne à qui on parle ? Pourquoi est-ce qu’on choisit certains mots plutôt que d’autres ? Pourquoi est-ce que le ton de notre voix change en fonction de la situation dans laquelle on se trouve ?Ces réponses, l’anthropologue et sociologue Dell Himes y a répondu avec son modèle Speaking. Et bien entendu, c’est le sujet de l »article d’aujourd’hui.
Un acronyme pour 8 composantes
Alors, le modèle SPEAKING, qui est un acronyme des huit éléments dont je vais vous parler, est utile pour comprendre que dans n’importe quelle langue ou dans une langue spécifique, ce qui va déterminer la façon dont on parle. Ce n’est pas forcément que la grammaire, que la syntaxe ou que la phonétique, mais il y a également le contexte, la situation dans laquelle on se trouve. Et c’est très important à comprendre, surtout quand on apprend une nouvelle langue. C’est-à-dire qu’on a beau apprendre la grammaire, la syntaxe, connaître parfaitement la linguistique d’une langue, l’utilisation de cette langue dépendra toujours du contexte et donc de la culture dans laquelle cette langue sera parlée.
Le modèle SPEAKING
Ce modèle est utile parce qu’il permet d’identifier à travers l’observation de situations et d’apprendre, de comprendre comment est-ce qu’on peut utiliser le langage dans certaines situations données. C’est un outil qui nous permet vraiment de comprendre comment utiliser la langue qu’on apprend ou la langue même qu’on parle. On le fait de manière inconsciente, nous, quand c’est notre langue maternelle et notre culture maternelle, on va dire. C’est un outil exceptionnel pour tout ce qui est communication interculturelle, mais même, il est utilisé si vous voulez améliorer votre compétence en communication. Donc, on va s’intéresser aujourd’hui aux huit éléments dont je vous parlais.
S comme Setting
Le premier élément, c’est le « s » qui correspond à « setting ». Le « setting » en anglais, c’est le cadre qui renvoie vraiment au moment à la situation d’e d’énonciation du contexte. C’est la scène, c’est aussi le contexte psychologique, l’ambiance dans laquelle on est. Je vais vous donner un exemple. Si on est à un anniversaire d’un enfant, vous allez bien comprendre que l’ambiance est plutôt friendly, détendue, joyeuse. Si on est à un enterrement, vous allez bien comprendre que l’ambiance est pesante, lourde. Elle va peut-être faire appel à des rituels, à des traditions.
P pour Participants
Ensuite dans le modèle SPEAKING, on a le P pour participants. Là, c’est vraiment tous les participants à la situation de communication, qu’ils parlent ou qu’ils ne parlent pas d’ailleurs, qu’ils soient vos interlocuteurs ou non. Il s’agit de toutes les personnes qui sont présentes et qui vont avoir une influence sur la communication. Bien entendu, si vous êtes dans une situation où vos interlocuteurs sont vos investisseurs, vous n’allez pas avoir le même discours que si vous êtes, par exemple, avec vos amis ou avec votre famille. Pareil, si dans votre situation de communication, il y a une personne que vous détestez, qui vous fait peur, vous n’allez pas du tout parler de la même manière que si vous avez confiance en toutes les personnes qui sont présentes. Vraiment, les participants jouent un rôle essentiel dans la situation de communication.
Le E de Ends
Ensuite, on a le « e » pour « ends ». Ça correspond aux finalités. Le discours va changer en fonction de la finalité de la communication. La finalité, c’est à quel objectif vous souhaitez arriver. Donc, si votre but ou si le but de la communication, c’est de convaincre, de persuader, ce ne serait pas pareil que si le but, c’est de divertir, de faire une blague.
Ce ne sera pas du tout la même conversation qui aura lieu. Il y a aussi dans cet élément le fait à prendre en compte de la finalité, votre objectif. Et si vous y parvenez, ça va vraiment venir modifier la communication. Si la personne, je parle de vous, mais ça peut être d’autres interlocuteurs. Si l’interlocuteur n’arrive pas à son objectif, ça va venir modifier la situation de communication également. Tout à l’inverse, s’il y arrive parfaitement, par exemple, un humoriste qui réussit une blague, on va avoir une autre situation de communication qui va apparaître.
A pour Act (sequence)
Ensuite dans le modèle SPEAKING, on a le « a » de « acte ». Là, on va parler des actes. C’est le point le plus tricky dans le modèle, le plus difficile à comprendre, je trouve, mais c’est les différentes séquences de la communication par ordre chronologique. Ça recouvre à la fois la forme et le contenu du message. En fonction de la communication, on va avoir des rituels de communication, des séquences qui auront une forme un peu ritualisée. Par exemple, si vous faites une présentation à professionnelle, vous aurez sûrement l’introduction, une présentation, un débat ou des questions et une conclusion.
Si vous faites un discours public, il y aura sûrement une structure type à respecter. Pareil, dans un dialogue, il y a un temps de parole, un temps de réponse implicite, mais il y a une sorte de séquence qui se dessine chronologiquement parlant. On peut observer, on peut analyser cette séquence, ces éléments de la communication qui se succèdent de manière chronologique.
Le K de Key dans le modèle SPEAKING
Alors là, on vient s’intéresser à tout ce qui est tonalité. Ça va être l’atmosphère de la communication. Est-ce que c’est plutôt joyeux ? Ou bien plutôt triste ? Est-ce que c’est vraiment le ton, la manière, l’état d’esprit de la prise de parole. Par exemple, si on reprend notre exemple de l’anniversaire et de l’enterrement, l’anniversaire, le ton va être plutôt joyeux, agréable, enthousiaste. Si, par contre, on a l’enterrement, il va être plutôt sérieux, triste, lourd et ça va s’entendre dans le ton de la voix et dans la manière de parler.
I pour Instrumentalities
Ensuite, on a le « i ». Ensuite, on a le « i » pour « instrumentalities », donc les instruments. Là, c’est tous les instruments qu’on peut utiliser pour communiquer. Vous le voyez très bien quand moi je vous communique. Je vous parle certes avec ma voix, avec mes mots, mais je vous parle aussi avec mon corps. On va avoir tout ce qui est du verbal, du non-verbal. Mais on peut aussi ajouter, pour certaines situations de communication, tout ce qui est digital numérique. Ça peut être les mots, les outils utilisés, les émoticons, les images, tous les codes qui correspondent à ces instruments de communication.
N pour Norms
Ensuite, après le « i », on a le « n » Norms. Là, c’est les normes. Concrètement, c’est les règles à suivre pour la communication. On peut identifier trois normes différentes. On va avoir la norme langagière. Là, ça va être le type de langage. Est-ce qu’il est plutôt soutenu, courant, familier.
Puis, on va avoir les normes interactives, donc le respect des tours de parole, la place du silence, les interruptions qui sont faites. C’est très intéressant dans une situation interculturelle parce qu’on ne s’en rend pas forcément compte, mais des fois, ces normes- là, ne sont pas familières. Et par exemple, c’est pour ça qu’on voit des gens qui vont avoir une tendance à combler un silence. Alors que pour l’autre culture, le silence fait partie de la communication et vice versa. Ça peut être des temps de parole plus longs dans certaines cultures. Ou encore l’interruption : interrompre quelqu’un dans une certaine culture. Ça peut être très mal poli, alors que dans une autre culture, ça peut être tout à fait normal. Et ça, on ne va pas forcément s’en rendre compte, mais des fois, ça va créer des gènes ou des malêtres ou quelque chose de bizarre. On ne va pas forcément s’en rendre compte, mais c’est une norme interactive qui n’est pas en adéquation. C’est un élément très essentiel.
Ensuite, on a tout ce qui va être normes d’interprétation. Là, ça va être sens du message, références, les présupposés culturels qui sont aussi très importants d’une communication interculturelle. Moi, un de mes éléments préférés du modèle, c’est le « n » pour le « norms ». Et ce car qu’il met vraiment l’accent sur certaines choses qui ne sont pas forcément très explicites au début, mais qu’on perçoit quand même facilement. Quand on parle dans une autre langue, quand on est dans un autre pays, on perçoit des fois qu’on n’a pas le code, qu’on n’est pas dans la norme. Mais on ne comprend pas forcément pourquoi. Et là, ça vient donner des clés pour essayer d’identifier le pourquoi du comment.
Enfin, le G du modèle SPEAKING signifie Genre
Et pour finir, on a le G pour le genre. Donc là, on va avoir typiquement le type de discours. Est-ce que c’est un discours plutôt journalistique, plutôt scientifique, plutôt de vulgarisation ? Et en fonction de ça, toujours en fonction de la culture, le discours va être adapté à la série. On adapte forcément sa communication en fonction du genre du discours. C’est à ça que sert le modèle speaking.
Je viens de vous montrer à quoi correspondent les huit éléments. Si jamais vous avez déjà eu une situation à l’étranger, pas à l’étranger, mais de communication interculturelle et vous n’aviez pas mis le doigt dessus, mais peut- être que grâce à ça, vous avez compris quelques éléments ou vous avez pu identifier des éléments que vous ne maîtrisiez pas ou que la personne en face qui vous parlait ne maîtrisait pas de votre culture, par exemple, n’hésitez pas à laisser un commentaire. Si jamais vous avez trouvé ça intéressant, je vous invite à consulter les autres articles et la chaîne YouTube !